L’irradiance solaire est l’énergie provenant de la radiation électromagnétique du Soleil reçue par unité d’aire (Fröhlich et Lean, 2004Fröhlich C. & Lean J., 2004 : Solar radiative output and its variability : evidence and mechanisms, Astron. Astrophys. Rev,. 12, 273–320.). L’irradiance solaire totale est l’énergie à toutes les longueurs d’onde : ultraviolets, lumière visible et infrarouges. Elle est de 1368 W.m-2 environ. Jusqu’au 19ème siècle, l’irradiance a été supposée constante, ce qui lui a valu le nom de « constante solaire ».

Les taches solaires

En 1843, Schwabe découvre que le nombre de taches solaires varie suivant un cycle de 11 ans. Ce « cycle de Schwabe » est à relier au cycle de l’activité solaire (Partie 5.3.1). Les cycles sont numérotés depuis 1750 ; le cycle 24 a débuté en 2008.
Au début du cycle, les taches apparaissent de part et d’autre de l’équateur solaire, vers 40° de latitude héliographique, pour une durée de six jours en moyenne (de Jager, 2005de Jager C., 2005 : Solar forcing of climate. 1: Solar variability. Space Sci. Rev. 120, 197–241.). Les taches qui apparaissent au fur et à mesure du cycle se rapprochent de l’équateur. Les déplacements latitudinaux des taches solaires au cours des cycles successifs forment le « diagramme de Maunder » ou « diagramme papillon » (Figure 4.3).

Figure 4.3. Observations des taches solaires depuis 1870 (http://solarscience.msfc. nasa.gov).
A : aire des taches solaires en fonction de la latitude (diagramme de Maunder ou diagramme papillon) ; B : aire des taches solaires totale.

Au cours des années 1920, Abbot découvre une corrélation positive entre le nombre de taches et les variations de l’irradiance (Hoyt & Schatten, 1997Hoyt D., & Schatten K.H., 1997 : The Role of the Sun in Climate Change. Oxford University Press, Oxford. 279 p.). Le nombre de taches solaires, consigné par différents observateurs depuis le 17ème siècle, peut donc être utilisé comme proxy de l’irradiance.

L’origine des taches solaires : le cycle solaire

Les cycles de l’irradiance et des taches solaires sont dus à un cycle général de l’activité solaire, le « cycle solaire », d’une durée de 11 ans en moyenne. Au maximum du cycle, le flux magnétique solaire intense inhibe le transport de chaleur du centre du Soleil à sa surface, ce qui crée les taches solaires (Hoyt & Schatten, 1997Hoyt D., & Schatten K.H., 1997 : The Role of the Sun in Climate Change. Oxford University Press, Oxford. 279 p. ). Des « boucles » de champ magnétique à la surface du Soleil produisent deux taches solaires (le « groupe de taches solaires »). D’autres figures apparaissent à la surface du Soleil lors du maximum du cycle, les « facules », régions plus chaudes et plus lumineuses que le reste de la surface solaire. Les taches solaires diminuent l’irradiance alors que les facules l’augmentent ; l’effet net des taches et des facules lors du maximum de l’activité solaire est une augmentation de l’irradiance.

Les indices de taches solaires

Le « Wolf sunspot number »

Rudolf Wolf introduit en 1848 un indice afin de quantifier et standardiser les données (Hoyt & Schatten, 1998Hoyt D., & Schatten K.H., 1998 : Group Sunspot Numbers: a new solar activity reconstruction. Sol. Phys. 181, 491–512.). Il définit le « Wolf sunspot number » (également nommé « Zürich sunspot number » et « International sunspot number ») par : RZ = k (10g + n), avec g le nombre de groupes de taches solaires, n le nombre de taches solaires individuelles, k un facteur de correction dépendant de l’observateur.

Le « Group sunspot number »

Hoyt et Schatten (1998)Hoyt D., & Schatten K.H., 1998 : Group Sunspot Numbers: a new solar activity reconstruction. Sol. Phys. 181, 491–512. ont décrit un nouvel indice, le « Group sunspot number », basé uniquement sur le nombre de groupes de deux taches solaires (Figures 4.3 et 4.4). Il utilise un nombre supérieur d’observateurs par jour, ce qui le rend plus précis et plus homogène. L’indice RG pour un jour donné est :

Avec Gi le nombre de groupes de taches solaires enregistrés par l’ième observateur, N le nombre d’observateurs utilisés pour le jour donné, k’i le facteur de correction pour l’observateur i.
Le Group sunspot number donne une irradiance plus faible que le Wolf sunspot number pour la période antérieure à 1882, ce qui signifie que les valeurs de la période actuelle seraient les plus élevées des derniers siècles (Hoyt & Schatten, 1998Hoyt D., & Schatten K.H., 1998 : Group Sunspot Numbers: a new solar activity reconstruction. Sol. Phys. 181, 491–512.).

Figure 4.4. Reconstitution de l’irradiance solaire et minima et maxima solaires associés depuis l’an 1000 (Fröhlich et Lean, 2004Fröhlich C. & Lean J., 2004 : Solar radiative output and its variability : evidence and mechanisms, Astron. Astrophys. Rev,. 12, 273–320.). Les proxies de l’irradiance indiqués sont le Group sunspot number en bleu, les isotopes cosmogéniques 10Be en rouge et 14C en vert. En violet : minima et maxima de l’activité solaire.

Les isotopes cosmogéniques

Production des isotopes cosmogéniques

Les étoiles éjectent dans l’espace des flux de particules chargées (principalement des protons) appelés « rayons cosmiques » (Muscheler et al, 2007Muscheler R., Joos F., Beer J., et al, 2007 : Solar activity during the last 1000 yr inferred from radionuclide records. Quat. Sci. Rev. 26, 82–97.). Les particules réagissent avec les molécules de l’atmosphère pour donner des isotopes spécifiques nommés « isotopes cosmogéniques ». Les principaux sont le béryllium 10 (10Be), le carbone 14 (14C), l’aluminium 26 (26Al) et le chlore 36 (36Cl).

Après sa production, le 10Be se fixe aux aérosols atmosphériques. Son temps de résidence dans l’atmosphère est de un à deux ans, ce qui le soumet aux influences locales de la circulation atmosphérique. Le 10Be arrive à la surface du sol par les précipitations. Il est étudié dans la glace polaire, qui conserve ses concentrations.
Le 14C s’oxyde dans l’atmosphère en 14CO2 et reste en phase gazeuse. Son temps de résidence dans l’atmosphère est de cinq ans environ, ce qui lui assure une bonne répartition à la surface du globe. Cependant, sa concentration est également influencée par le cycle du carbone ; ainsi, la combustion de carbone fossile a diminué le rapport 14C/12C de l’atmosphère, de la biosphère et des océans (effet Suess). Le carbone 14 (14C) est présent dans les objets organiques ; les cernes d’arbres et les coraux sont particulièrement utilisés pour les reconstructions de température. Les variations au cours du temps du 14C sont également employés pour la datation d’objet (datation radiocarbone) (EnSavoirPlus 1.3).

Influence du climat sur les concentrations des isotopes cosmogéniques

Le Soleil influence indirectement les taux de production d’isotopes cosmogéniques, via le « vent solaire ». Le vent solaire regroupe le champ magnétique solaire et les particules chargées émises par le Soleil. En période de forte activité du Soleil, le vent solaire est intense, les rayons cosmiques sont fortement déviés, peu de particules arrivent sur Terre et seule une petite quantité d’isotopes cosmogéniques est formée.

Lorsque l’activité solaire est élevée, les taches solaires sont nombreuses et les isotopes cosmogéniques sont peu abondants dans les objets naturels. Il existe donc une anticorrélation entre les indices de taches solaires et les concentrations en isotopes cosmogéniques (Figure 4.4).