3.2 1 La période glaciaire

Pourquoi les hommes ont-ils peint, il y a 20 000 ans, dans la grotte Cosquer, près de Marseille, des animaux de climat arctique : rennes, phoques ? Et surtout comment ont-ils pu se rendre dans la grotte, alors que son entrée se situe à 37 mètres sous le niveau actuel de la mer et que les archéologues doivent se munir d’un scaphandre pour l’explorer ? La raison est qu’il y a 20 000 ans, le climat mondial était entre 4 et 7°C plus froid qu’actuellement (Figure 3.1). Les calottes glaciaires étaient très étendues : en Europe elles atteignaient l’Angleterre et le Danemark.
Le niveau de la mer dépend du volume d’eau stockée par les calottes glaciaires. En effet, l’évaporation de l’eau de mer forme les précipitations de neige à l’origine de la glace, suivant le cycle de l’eau. Il y a 20 000 ans, la formation de calottes glaciaires volumineuses a entraîné une baisse du niveau de la mer d’environ 120 mètres par rapport au niveau actuel.

Figure 3.1. Variations du δ18O de la carotte GRIP (Groenland) des derniers 60 000 ans (Grousset, 2001. In : Deconninck J.-F., 2006 : Paléoclimats, l’enregistrement des variations climatiques. Vuibert, 198 p.).
La dernière période glaciaire (-60 000 à -15 000 ans) et l’Holocène (-11 000 ans à l’actuel) sont décelés, ainsi que les changements abrupts du climat : événements de Heinrich, interstadiaires Dansgaard/Oeschger, oscillation Bölling Allerød/Younger-Dryas et événement 8200 ans.

Cette époque froide appartient à la dernière période glaciaire qui a débuté il y a 116 000 ans (IPCC, 2007aIPCC, 2007a : Climate Change 2007: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change. Cambridge University Press. 996 p.). La période chaude précédente (appelée l’« Eémien » ou « stade 5e ») s’est terminée il y a 120 000 ans. Les paramètres de l’orbite terrestre ont réduit le rayonnement solaire et le climat s’est refroidi. Des rétroactions avec l’atmosphère et la surface terrestre ont permis la création d’une calotte glaciaire (Figure 3.4) (EnSavoirPlus 3.1 et Partie 2.3). L’époque la plus froide de cette période glaciaire s’est produite il y a 20 000 ans. Elle est appelée « dernier maximum glaciaire » (DMG). Le refroidissement a été très marqué aux hautes latitudes : -9°C en Antarctique et -21°C au Groenland.

3.2.2 L’Holocène

Nous sommes actuellement dans une période interglaciaire appelée l’Holocène. Cette période relativement chaude a débuté il y a 11 000 ans (Figure 3.1). La température a augmenté de 4 à 7°C entre le dernier maximum glaciaire et le début de l’Holocène, soit en 9000 ans (IPCC, 2007aIPCC, 2007a : Climate Change 2007: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change. Cambridge University Press. 996 p.). Ce réchauffement est élevé mais il s’est néanmoins produit dix fois plus lentement que le réchauffement du 20ème siècle (Partie 5.2.1).

Figure 3.4. Extension de la calotte glaciaire Nord lors du dernier maximum glaciaire (-20 000 ans) et actuellement (Encyclopédie Universalis www.universalis.fr, modifié).

Sans influence humaine sur le climat, la fin de l’Holocène et le début de la prochaine glaciation devraient débuter dans environ 30 000 ans (IPCC, 2007aIPCC, 2007a : Climate Change 2007: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change. Cambridge University Press. 996 p.). Cependant, depuis deux siècles, les émissions de gaz à effet de serre par les activités humaines se combinent aux processus naturels qui contrôlent le climat (Partie 5.3.2) ; ces gaz à effet de serre représentent un forçage artificiel sur le climat. La calotte groenlandaise pourrait fondre intégralement. Dans ce cas, le système climatique pourrait demander 40 000 ans pour retrouver une évolution « naturelle » (Berger, 1992Berger A., 1992. In : Deconinck J.-F., 2006 : Paléoclimats, l’enregistrement des variations climatiques. Vuibert, 198 p.). Entre -10 000 et -5 000 ans, certaines régions du globe étaient plus chaudes qu’actuellement. Cependant, de récentes simulations ont révélé que la température moyenne globale était comparable à l’actuel (IPCC, 2007aIPCC, 2007a : Climate Change 2007: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change. Cambridge University Press. 996 p.).

Des rejets humains de gaz à effet de serre depuis 8 000 ans ?

Les gaz à effet de serre ont diminué depuis le début de l’Holocène jusqu’à -6 000 ou -8 000 ans, puis augmenté jusqu’à nos jours (IPCC, 2007aIPCC, 2007a : Climate Change 2007: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change. Cambridge University Press. 996 p.). Le dioxyde de carbone (CO2) a ainsi diminué de 7 ppm (parties par millions) entre -11 000 et -8 000 ans, puis augmenté de 20 ppm jusqu’à la révolution industrielle (vers 1750).

La décroissance du CO2 est attribuée à des causes naturelles, comme son absorption par des forêts qui se sont développées sur les terres dégagées par la fonte de la calotte Laurentides. L’augmentation depuis 8000 ans du dioxyde de carbone pourrait être naturelle : la forme de l’orbite terrestre contrôle l’insolation, qui elle-même contrôle les gaz à effet de serre (Partie 2.3). Aux mêmes causes les mêmes effets : les conditions orbitales de l’Holocène sont proches de celles de l’interglaciaire il y a 400 000 ans ; les concentrations en CO2 sont également comparables et peuvent être donc dues aux conditions orbitales et à l’insolation. Cependant l’augmentation pourrait être aussi également due à l’agriculture préhistorique qui émettrait du dioxyde de carbone et du méthane (Ruddiman, 2003Ruddiman W.F., 2003 : Orbital insolation, ice volume and greenhouse gases. Quat. Sci. Rev., 15–17, 1597–1629 et Ruddiman et al, 2005Ruddiman W.F., Vavrus S.J., & Kutzbach J.E., 2005 : A test of the overdue-glaciation hypothesis. Quat. Sci. Rev., 24, 1–10.).