4.2.1 L’optimum climatique médiéval

Un Groenland tiède ?

Le Groenland tire son nom du danois et signifie « terre verte ». Pourtant cette région est maintenant plutôt froide ! La raison en est que lorsque les Vikings ont colonisé le sud du Groenland, vers l’an 1000, son climat était doux. Cette région était recouverte de végétation et relativement hospitalière, c’est pourquoi ils l’ont nommée ainsi.

Greenland 1693b

Les faits

Température

Les archives climatiques montrent que l’hémisphère Nord était relativement chaud entre l’an 950 et 1200 (Figure 4.5). Cette période est appelée « optimum climatique médiéval » (OCM) (Jones & Mann, 2004Jones, P.D., & Mann M.E., 2004 : Climate over past millennia, Rev. Geophys., 42, RG2002.). Néanmoins, toutes les reconstitutions climatiques montrent que la température a évolué différemment suivant les régions. A l’heure actuelle, les preuves sont insuffisantes pour affirmer que l’OCM était aussi chaud ou plus chaud que le 20ème siècle, ce qui fournirait des arguments aux partisans d’une origine naturelle du réchauffement moderne (IPCC, 2007aIPCC, 2007a : Climate Change 2007: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change. Cambridge University Press. 996 p.). Cependant, l’OCM semble au contraire légèrement plus froid que la période actuelle : les températures estimées sont entre 0,1 et 0,2°C inférieures à la moyenne 1961-1990 et sont significativement inférieures à la période postérieure à 1980 (IPCC, 2007aIPCC, 2007a : Climate Change 2007: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change. Cambridge University Press. 996 p.). De plus, le réchauffement médiéval a été plus lent : il s’est accompli en plusieurs siècles, alors que le réchauffement moderne s’est réalisé en quelques décennies seulement.

Figure 4.5. Forçages radiatifs (a-c) et températures de l’hémisphère Nord simulées (d) du dernier millénaire (IPCC, 2007aIPCC, 2007a : Climate Change 2007: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change. Cambridge University Press. 996 p.).
(a) activité volcanique ; (b) variations de l’irradiance solaire ; (c) autres forçages, différents selon les modèles mais incluant toujours les gaz à effet de serre et, excepté pour ceux en lignes pointillées après 1900, les aérosols sulfatés troposphériques. (d) températures (°C) de l’hémisphère Nord simulées à partir des forçages (a) à (c). Les forçages et les températures sont exprimés en anomalies par rapport à la moyenne 1500 à 1899 et sont moyennés sur 30 ans.

L’hémisphère Sud a également connu un réchauffement, mais plus tardif : aux 14ème et 15ème siècles. Ce « retard » de 150 ans entre les deux hémisphères serait dû au délai du transfert de chaleur par les océans (Goose et al, 2004Goose H., Masson-Delmotte V., Renssen H., et al, 2004 : A late medieval warm period in the Southern Ocean as a delayed response to external forcing? Geophys. Res. Lett., 31, L06203).

Précipitations

Au cours du Moyen-Âge, certaines régions ont connu des sécheresses violentes alors que d’autres ont subi des pluies exceptionnelles. La distribution spatiale de l’hydroclimat présentait des similitudes avec la répartition des sécheresses du réchauffement des dernières décennies (Seager et al, 2006Seager R., Graham N., Herweijer C., et al, 2006 : Blueprints for medieval hydroclimate. Quat. Sci. Rev., 26, 2322–2336.). Par exemple, la région méditerranéenne et le Sahel étaient secs, comme actuellement.

Le climat médiéval n’est donc pas caractérisé par un réchauffement global ; il est de plus marqué par des contrastes régionaux de précipitations. Certains auteurs suggèrent qu’il serait préférable de nommer cette période « anomalie climatique médiévale » (Bradley et al, 2003Bradley R.S., Hughes M.K, & Diaz H.F., 2003 : Climate in Medieval Time. Science, 404. ou « période sèche prolongée » (Jones & Mann, 2004Jones, P.D., & Mann M.E., 2004 : Climate over past millennia, Rev. Geophys., 42, RG2002.).

Les causes

Durant l’optimum climatique médiéval, la radiation solaire est élevée. La stratosphère absorbe plus d’ultraviolets et se réchauffe (Bradley et al, 2003Bradley R.S., Hughes M.K, & Diaz H.F., 2003 : Climate in Medieval Time. Science, 404.). La circulation atmosphérique est modifiée (EnSavoirPlus 4.3). C’est pour cette raison que seules certaines régions du globe se réchauffent, comme l’Europe.

4.2.2 Le petit âge glaciaire

De nombreux tableaux réalisés entre le 17ème et le 19ème siècles montrent des paysages enneigés et des étangs gelés. La période entre 1450 et 1850 est en effet relativement froide (Figure 4.5) (Jones & Mann, 2004Jones, P.D., & Mann M.E., 2004 : Climate over past millennia, Rev. Geophys., 42, RG2002.). Elle est appelée « petit âge glaciaire » (PAG), du nom des « longues » périodes glaciaires du dernier million d’années (Partie 2.2). Cette tendance est ponctuée de périodes plus froides à l’échelle décennale. Comme durant l’optimum climatique médiéval, le climat est très variable suivant les régions du globe. En Europe le climat est plus froid vers 1600, à la fin du 17ème siècle et au 19ème siècle, qui a été le siècle le plus froid depuis 1500 (Luterbacher et al, 2004Luterbacher J., Dietrich D., Xoplaki E., et al, 2004 : European seasonal and annual temperature variability, trends, and extremes since 1500. Science, 303, 1499-1503.).

Ces refroidissements sont attribués à une faible activité du Soleil, dont l’énergie envoyée à la Terre diminue (Partie 4.3.1). De plus, les nombreuses éruptions volcaniques réduisent l’ensoleillement (Partie 4.3.2). Entre 1400 et 1850, la part du volcanisme dans la température est de 49 % (Crowley, 2000Crowley T.J., 2000 : Causes of Climate Change Over the Past 1000 Years. Science 289, 270-277.). Ainsi, les éruptions du volcan Laki en Islande en 1783 ont provoqué un refroidissement de l’hémisphère Nord de 0,2°C sur l’année entière (Highwood & Stevenson, 2003Highwood E.J., & Stevenson D.S., 2003 : Atmospheric impact of the 1783–1784 Laki Eruption: Part II Climatic effect of sulphate aerosol. Atmos. Chem. Phys., 3, 1177–1189.).