La trajectoire de la Terre et ses influences sur l’insolation

Le mouvement de la Terre autour du Soleil, décrit par les lois de Kepler, contrôle l’insolation saisonnière et latitudinale.

La première loi de Kepler

D’après la première loi de Kepler, les planètes du système solaire décrivent des trajectoires elliptiques autour de deux foyers dont l’un est occupé par le Soleil (Figure 2.6 A). Le Soleil n’est donc pas au centre de l’ellipse. Au cours de l’année, la Terre est plus ou moins proche du Soleil. Le périhélie est le point de l’ellipse le plus proche du Soleil (147,2.106 km) ; actuellement la Terre passe au périhélie le 3 janvier (Deconinck, 2006Deconinck J.-F., 2006 : Paléoclimats, l’enregistrement des variations climatiques. Vuibert, 198 p.). L’aphélie est le point le plus éloigné (162,0.106 km) ; la planète y passe le 4 juillet. La différence d’insolation entre le périhélie et l’aphélie est de 6,4 % (Berger & Loutre, 2004Berger A., & Loutre M.-F., 2004 : Astronomical theory of climate changes. J. Phys. IV France 121, 1-35.).

La seconde loi de Kepler

Suivant la seconde loi de Kepler, la Terre se déplace plus vite quand elle est proche du Soleil (Figure 2.6 B). Elle parcourt plus rapidement la portion de l’ellipse la plus proche du Soleil. En conséquence, il y a actuellement plus de jours entre les équinoxes du 20 mars et du 22 septembre (portion de l’ellipse la plus éloignée du Soleil) (186 j 10 h) que du 22 septembre au 20 mars (portion de l’ellipse la plus proche du Soleil) (178 j 20 h).

Actuellement la Terre est proche du périhélie (proche du Soleil) en hiver de l’hémisphère Nord alors qu’elle est au voisinage de l’aphélie (éloignée du Soleil) en été. Le contraste entre les saisons est donc faible. Dans l’hémisphère Sud où l’inverse se produit, le contraste saisonnier est élevé.

Les variations à long terme des paramètres de l’orbite terrestre

L’orbite terrestre et l’axe de rotation évoluent à long terme, sous l’influence de la Lune et des autres planètes ; ces paramètres astronomiques obéissent toujours aux lois de Kepler (Berger & Loutre, 2004Berger A., & Loutre M.-F., 2004 : Astronomical theory of climate changes. J. Phys. IV France 121, 1-35. ). Ces modifications de la relation Terre-Soleil sont appelées « paramètres de Milankovitch ». Elles conduisent à des variations cycliques de l’insolation.

Précession des équinoxes

La précession des équinoxes correspond à la somme de deux cycles proches de 21 000 ans (Figure 2.7) :

  • précession de l’ellipse : le grand axe et le petit axe de l’ellipse de rotation pivotent par rapport aux étoiles en 23 000 ans. Par conséquent les solstices et les équinoxes se déplacent autour de l’orbite terrestre et leurs positions varient par rapport au périhélie et à l’aphélie.
  • précession de l’axe de rotation : l’axe de rotation change de direction selon un cône en 26 000 ans.

La précession des équinoxes module la distribution de l’insolation latitudinale et saisonnière (jusqu’à 60 W.m-2 de variation).

Obliquité

L’obliquité est l’angle entre l’axe de rotation de la Terre et la perpendiculaire au plan de l’écliptique. Elle varie de 22,2 à 24,5° en 41 000 ans ; elle est actuellement de 23,5°. Les variations locales de l’insolation annuelle au cours du cycle sont inférieures à 6 W.m-2.

Excentricité

L’excentricité e mesure la modification de la forme de l’ellipse de rotation de la Terre autour du Soleil :

avec a le demi-grand axe et b le demi-petit axe de l’ellipse (Figure 2.8).

Actuellement de 0,0167, elle varie entre 0 (cercle) et 0,06 selon des cycles de 95 000 ans et 404 000 ans. L’excentricité module la distance Terre-Soleil suivant les saisons. A cause de la deuxième loi de Kepler, la vitesse de déplacement de la planète et la durée des saisons varient.

Figure 2.6. Les lois de Kepler (Deconinck, 2006Deconinck J.-F., 2006 : Paléoclimats, l’enregistrement des variations climatiques. Vuibert, 198 p.). A : Illustration de la première loi, O = centre de l’ellipse, F1 et F2 correspondent aux foyers dont l’un est occupé par le Soleil ; B : selon la seconde loi, les surfaces F1AB et F1CD sont égales et la Terre met le même temps pour parcourir les arcs AB et CD.

L’hypothèse de Milankovitch

En 1941, Milutin Milankovitch émet l’idée que la position de la Terre par rapport au Soleil a une influence sur le climat aux échelles de temps de l’obliquité et de la précession. Ainsi, quand l’axe de rotation de la Terre est peu incliné (obliquité faible), l’insolation d’été à 65°N est faible, ce qui empêche la fonte de la neige d’hiver et favorise une mise en glace. La taille des calottes polaires augmente ensuite par rétroaction positive de l’albédo (Partie 1.3.1). La glace répond à l’insolation avec un retard de 5000 ans environ. Les paramètres de Milankovitch se combinent : la mise en glace lors des périodes de faible obliquité est modulée par la distance Terre-Soleil et la durée des saisons (contrôlés par l’excentricité), et par la direction de l’axe de rotation (contrôlée par la précession).

A l’échelle des temps géologiques, la rotation de la Terre ralentit et la distance Terre-Lune augmente. Les périodes de l’obliquité et de la précession s’allongent (Berger, 1992Berger A., 1992. In : Deconinck J.-F., 2006 : Paléoclimats, l’enregistrement des variations climatiques. Vuibert, 198 p.).

Le rôle des gaz à effet de serre dans les glaciations

Aux échelles de temps de la précession (20 000 ans), l’insolation force les gaz à effet de serre (GES) qui forcent à leur tour les calottes glaciaires (Ruddiman, 2006Ruddiman W.F., 2006 : Orbital changes and climate. Quat. Sci. Rev. 25, 3092-3112.). Aux échelles de temps de l’obliquité (40 000 ans), l’insolation force la glace, qui a un effet sur les GES ; ce sont les GES qui transfèrent l’effet forçant radiatif de la calotte Nord au pôle Sud (Raynaud & Lorius, 2004Raynaud D., & Lorius C., 2004 : Climat et atmosphère : la mémoire des glaces. C. R. Geoscience 336, 647–656.).

Pour certains auteurs, le cycle glaciaire-interglaciaire de 100 000 ans est dû à l’excentricité (Raynaud & Lorius, 2004Raynaud D., & Lorius C., 2004 : Climat et atmosphère : la mémoire des glaces. C. R. Geoscience 336, 647–656.). Ce forçage astronomique modéré est amplifié par l’augmentation des GES et la rétroaction de l’albédo. Ruddiman (2006)Ruddiman W.F., 2006 : Orbital changes and climate. Quat. Sci. Rev. 25, 3092-3112. suggère que l’excentricité ne joue pas de rôle sur les glaciations : le cycle de 100 000 ans observé dans les séries de températures des forages glaciaires correspond à l’addition des effets de la précession et de l’obliquité. Ce sont les forçages internes (CO2 et rétroaction de l’albédo) qui entraînent la construction graduelle des calottes glaciaires. Les déglaciations sont dues aux forçages combinés de l’insolation et des GES.

Figure 2.7. Variations de l’orbite terrestre et des saisons dues à la précession des équinoxes : situation actuelle et situation dans 11 000 ans (Deconinck, 2006Deconinck J.-F., 2006 : Paléoclimats, l’enregistrement des variations climatiques. Vuibert, 198 p. ).
Figure 2.8. Variations de la forme de l’orbite terrestre suivant l’excentricité (INRP).