4.1.1 Les archives historiques : les hommes racontent le climat
Les événements météorologiques et climatiques extrêmes ont des conséquences parfois dramatiques sur les activités humaines, en particulier sur la production agricole et sur les échanges commerciaux. C’est pour cela que depuis le Moyen-Âge les hommes relèvent les événements météorologiques et climatiques marquants, comme les gelées longues et intenses ou les sécheresses. Pour rechercher les conditions climatiques du dernier millénaire, les scientifiques utilisent de nombreuses archives qui donnent des indications sur le climat, comme les annales des observations météorologiques ou les dates de vendanges.
Les dates d’ouverture des vendanges
Depuis le Moyen-Âge, les dates de début des vendanges du raisin sont décrétées par les notables de chaque village et notées dans des registres municipaux ou paroissiaux. Les plus anciennes séries de données, de Bourgogne, datent du 13ème siècle (Chuine et al, 2004Chuine I., Yiou P., Viovy N., et al, 2004 : Grape ripening as a past climate indicator. Nature, 432, 289-290.). Les dates de vendanges sont influencées par la température du printemps et de l’été (Le Roy Ladurie, 2005Le Roy Ladurie E., 2005 : Canicule, fraîcheurs, vendanges (France, XVe–XIXe siècles). C. R. Biologies, 328, 213–222.). Lorsque ces saisons sont chaudes, elles favorisent la croissance de la vigne et la date de vendanges est précoce. Les dates de vendanges sont donc utilisables comme indicateurs (« proxies ») de la température du printemps et de l’été de l’année.
Les archives historiques sont parfois biaisées par des facteurs humains. Par exemple, les dates de vendanges au 18ème siècle sont plus tardives que celles des siècles précédents. Cet écart est dû au fait que les vignerons, pour faire un meilleur vin, vendangent plus tard dans la saison (Le Roy Ladurie, 2005Le Roy Ladurie E., 2005 : Canicule, fraîcheurs, vendanges (France, XVe–XIXe siècles). C. R. Biologies, 328, 213–222.).
4.1.2 Les données proxies naturelles
Les données obtenues à partir des cernes d’arbres
Les arbres produisent un cerne de croissance par an. L’épaisseur de ces cernes renseigne sur la température : une saison de croissance (printemps et été) chaude et humide favorise le développement de l’arbre et le cerne annuel est épais. En mesurant l’épaisseur de tous les cernes d’un arbre, les conditions climatiques de chaque année de sa vie peuvent être reconstituées. Pour retracer le climat du passé, les études s’effectuent sur des pièces de bois telles que des poutres de maisons anciennes ou des arbres fossiles retrouvés sur les sites archéologiques. La science qui étudie le climat à partir des cernes d’arbres est la « dendroclimatologie ». Des analyses chimiques de chaque cerne donnent des indications plus précises sur la température et l’humidité de la région (EnSavoirPlus 4.1). Des courbes de l’épaisseur des cernes depuis 10 000 ans permettent de dater les pièces archéologiques (Partie 1.5.1).
Les profils thermiques des sols
Les variations de température à la surface de la Terre se propagent lentement dans le sol (Figure 4.1). En mesurant la température dans des trous de forage à différentes profondeurs, il est possible de reconstituer les variations de température avec le temps (EnSavoirPlus 4.2).
Les carottes de glace
Des forages de glace renseignent sur le climat des derniers millénaires : température, composition de l’atmosphère, précipitations, etc. (Jones & Mann, 2004Jones, P.D., & Mann M.E., 2004 : Climate over past millennia, Rev. Geophys., 42, RG2002.). Hou et al (2007)Hou S., Chappellaz J., Jouzel J., et al, 2007 : Summer temperature trend over the past two millennia using air content in Himalayan ice. Clim. Past, 3, 89–95. ont par exemple étudié, dans des carottes de l’Himalaya, la fonte qui s’est produite chaque été durant les derniers 1000 ans. La fonte dépend de la température de l’été, dont les scientifiques ont pu retracer l’évolution au cours du millénaire.
L’avancée des glaciers de montagne
La taille d’un glacier est contrôlée par le climat : les précipitations de neige en hiver augmentent le volume de glace alors que la fonte en été diminue son volume. Si le climat se refroidit, le glacier augmente de volume et descend plus bas dans les vallées. A l’inverse, il recule lors d’un réchauffement (Figure 1.5). La taille des glaciers peut être utilisée pour reconstituer le climat depuis les années 1700 (Figure 4.2) (Oerlemans, 2005Oerlemans J., 2005 : Extracting a climate signal from 169 glacier records. Science, 308, 675.).
4.1.3 Les reconstructions de température en pratique
Les reconstructions de température du millénaire se basent sur des méthodes indirectes, appelées « proxies » (Partie 1.4.2). Les données proxies sont complémentaires mais chaque méthode possède des biais et des limitations : informations sur une saison seulement, imprécisions sur la datation, etc. Les reconstitutions du climat du millénaire combinent plusieurs types d’archives, qui peuvent être réparties sur une large région du globe (par hémisphère par exemple). Comme elles associent plusieurs proxies, elles sont appelées « reconstructions multi-proxy » (Jones & Mann, 2004Jones, P.D., & Mann M.E., 2004 : Climate over past millennia, Rev. Geophys., 42, RG2002.).