Le forçage orbital progressif conduit de manière périodique à des réponses brutales du climat. Ces événements rapides illustrent la notion d’« effet de seuil ». Ces variations non linéaires créent un motif en dents de scie des enregistrements paléoclimatiques (Figure 3.1).
3.3.1 Les changements abrupts de la période glaciaire
La dernière période glaciaire (75 000 à -15 000 ans) a connu de nombreux événements abrupts du climat (EnSavoirPlus 3.3). Ceux-ci ont été détectés dans les sédiments, les carottes glaciaires (en particulier le forage à haute résolution réalisé au Groenland NGRIP) et les concrétions calcaires des grottes.
Des réchauffements brusques et intenses
Des variations de la circulation des courants océaniques ont provoqué des réchauffements rapides et intenses suivis de refroidissements plus lents en quelques siècles (IPCC, 2007aIPCC, 2007a : Climate Change 2007: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change. Cambridge University Press. 996 p.).
Ces variations brutales de température sont appelées « interstadiaires Dansgaard/ Oeschger » (découverts par les paléoclimatologues Willi Dansgaard, Danois, et Hans Oeschger, Suisse). Les forages glaciaires du Groenland ont révélé des augmentations de la température de 8 à 16°C en quelques décennies (Figure 3.1). La dernière période glaciaire compte vingt-et-un événements climatiques de ce type.
Des refroidissements brutaux
La dernière période glaciaire a également connu des refroidissements de quelques centaines à quelques milliers d’années (EnSavoirPlus 3.2). Ils sont appelés « événements de Heinrich », d’après le nom du géologue allemand Hartmut Heinrich qui les a identifiés. Six refroidissements sont enregistrés depuis 60 000 ans jusqu’à la fin de la période glaciaire (Figure 3.1).
Entre la période glaciaire et la période chaude, un réchauffement suivi d’un refroidissement
La transition entre la période glaciaire et l’interglaciaire ne s’est pas faite progressivement (Figure 3.1). Un réchauffement brutal de 2000 ans s’est d’abord produit il y a 14 700 ans ; il est appelé « Bölling-Allerød ». Il a provoqué une injection d’eau froide et douce dans l’Atlantique Nord (par un processus similaire à l’événement 8 200 ans, voir ci-dessous). Il en a résulté un refroidissement de 1200 ans, le « Younger-Dryas ». Ces deux événements sont regroupés sous le terme « oscillation Bölling-Allerød/Younger-Dryas ».
3.3.2 Les changements abrupts de l’Holocène
L’Holocène (-11 000 ans à l’actuel) compte au moins six périodes de changement climatique rapide (Mayewski et al, 2004Mayewski, P.A., Rohling E.E., Stager J.C., et al, 2004 : Holocene climate variability. Quat. Res., 62(3), 243–255.). La plupart de ces événements abrupts présentent un refroidissement aux pôles et des modifications majeures de la circulation atmosphérique.
Un refroidissement il y a 8200 ans
L’événement climatique de l’Holocène le plus étudié s’est produit il y a 8200 ans. Cet « événement 8 200 ans » correspond à un refroidissement de 2 à 6°C pendant 200 ans (Figure 3.1). Il est associé à une diminution brutale du méthane atmosphérique (entre 34 et 59 %) (Spahni et al, 2003Spahni R., Schwander J., Flückiger J., et al, 2003 : The attenuation of fast atmospheric CH4 variations recorded in polar ice cores. Geophys. Res. Lett., 30(11), 1571.). Ce refroidissement brusque est attribué à la vidange du lac Agassiz (du nom du glaciologue suisse Louis Agassiz). Au début de l’Holocène, les eaux de fonte de la calotte Laurentides alimentent des lacs proglaciaires. Le plus grand, le lac Agassiz, est barré par la glace (Figure 3.5). Avec le réchauffement progressif, cette barrière cède et le lac se vidange brusquement dans la baie d’Hudson. Le débit a pu atteindre pendant six mois cinq millions de mètres cubes par seconde, soit trente fois le débit de l’Amazone. L’arrivée d’eau douce et froide dans l’océan Atlantique modifie la circulation océanique ; les transferts de chaleur des basses aux hautes latitudes diminuent.