5.3.1 Les causes naturelles
Le Soleil : une intensification de l’énergie apportée sur Terre ?
Depuis 1978, le rayonnement solaire (irradiance solaire) est directement mesuré depuis des satellites, par des appareils appelés « radiomètres » (EnSavoirPlus 5.2). Le cycle solaire de 11 ans est détecté (Figure 5.5) (EnSavoirPlus 4.4) ; les variations entre les minima et les maxima du cycle sont d’environ 0,085 % (Fröhlich & Lean, 2004Fröhlich C. & Lean J., 2004 : Solar radiative output and its variability : evidence and mechanisms, Astron. Astrophys. Rev,. 12, 273–320.). L’irradiance solaire a augmenté très faiblement (de 0,08 %) entre 1750 et 2005 (IPCC, 2007aIPCC, 2007a : Climate Change 2007: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change. Cambridge University Press. 996 p.) ; cette hausse est associée à un forçage radiatif de 0,12 W.m-2 (Figure 5.10).
L’irradiance solaire influence la température globale et la couche nuageuse (EnSavoirPlus 5.3). Les températures élevées entre 1930 et 1940 sont dues à une insolation relativement forte (IPCC, 2007aIPCC, 2007a : Climate Change 2007: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change. Cambridge University Press. 996 p.). Il est à l’heure actuelle encore impossible de savoir si le réchauffement actuel est dû, au moins en partie, à une augmentation de l’irradiance durant les dernières décennies. En effet, afin d’améliorer la précision des mesures, les courbes de l’irradiance combinent les données de plusieurs radiomètres (EnSavoirPlus 5.2). Suivant la méthode de combinaison des données d’irradiance, les scientifiques trouvent ou non une tendance (Figure 5.5).
Source d’élévation du niveau de la mer | Élévation du niveau de la mer |
---|---|
expansion thermique | 1,6 |
glaciers et calottes glaciaires | 0,77 |
inlandsis groenlandais | 0,21 |
inlandsis antarctique | 0,21 |
Somme | 2,8 |
Observé | 3,1 |
Tableau 5.1. Contribution des différents facteurs climatiques à l’élévation du niveau de la mer entre 1993 et 2003 (IPCC, 2007aIPCC, 2007a : Climate Change 2007: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change. Cambridge University Press. 996 p. ).
Le réchauffement moderne s’inscrit-il dans un cycle naturel ?
Depuis 100 000 ans, le climat semble varier selon des cycles de un à deux millénaires contrôlés par les fluctuations de l’activité solaire (EnSavoirPlus 3.3). L’optimum climatique médiéval, il y a environ 1000 ans, représenterait une période chaude de ce cycle et le petit âge glaciaire une période froide survenue il y a environ 500 ans (Figure 4.5) (Bond et al, 2001Bond G., Kromer B., Beer J., et al, 2001 : Persistent solar influence on north Atlantic climate during the Holocene. Science, 294, 2130–2136.). Le réchauffement moderne pourrait être une période chaude du cycle. Il est cependant trop élevé pour être uniquement dû à un accroissement de l’activité solaire. Entre 1856 et 1975, la température globale est corrélée avec l’irradiance solaire ; depuis 1975, le forçage solaire ne représenterait que 12 % des forçages (Figures 4.5 et 5.8) (Rozelot & Lefebvre, 2006Rozelot J.P., & Lefebvre S., 2006 : Is it possible to find a solar signature in the current climatic warming? Phys. Chem. Earth, 31, 41–45.).
Le volcanisme
Le volcanisme n’a joué qu’un rôle mineur sur le climat du 20ème siècle (Figure 4.5). Entre 1912 et 1963, le climat a connu un réchauffement relatif dû à l’absence d’éruptions volcaniques (Robock, 2000Robock A., 2000 : Volcanic eruptions and climate. Reviews of Geophysics, 38(2) 191–219.). La fin du siècle a subi des éruptions ponctuelles qui ont eu un effet refroidissant durant quelques années : Mont Saint Hellens (USA, 1980), El Chichon (Mexique, 1982). Les éruptions du Mont Pinatubo (Philippines) au printemps 1991 ont entraîné un refroidissement global de 0,6°C sur l’été et de 0,3°C sur l’année 1991 (IPCC, 2007aIPCC, 2007a : Climate Change 2007: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change. Cambridge University Press. 996 p.).
5.3.2 Les causes humaines
Les activités humaines contribuent à la variation du climat en modifiant dans l’atmosphère terrestre les concentrations en gaz à effet de serre, les taux d’aérosols et la nébulosité. L’énergie solaire entrante et l’énergie réémise par la Terre sont modifiées, ce qui perturbe le climat. Depuis le début de la révolution industrielle (vers 1750), l’effet global des activités humaines sur le climat est un effet réchauffant (IPCC, 2007aIPCC, 2007a : Climate Change 2007: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change. Cambridge University Press. 996 p.). Le forçage anthropique total (Partie 1.2.3) sur le climat est de + 1,6 W.m-2 (Figure 5.9) (IPCC, 2007aIPCC, 2007a : Climate Change 2007: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change. Cambridge University Press. 996 p.). Les variations du climat perturbé par l’homme dépassent largement les fluctuations climatiques naturelles du dernier millénaire, causées par les variations de l’activité solaire et les éruptions volcaniques. Les émissions de gaz à effet de serre constituent le principal effet réchauffant ; l’effet de serre anthropique qui s’ajoute à l’effet de serre naturel est appelé « effet de serre additionnel ». D’autres forçages anthropiques ont également des incidences majeures sur le climat. Des forçages anthropiques marginaux existent, tels que l’émission de chaleur due à la production d’énergie dans les zones urbaines, ou les traces persistantes de l’aviation dans l’atmosphère.
Les émissions de gaz à effet de serre
Les concentrations atmosphériques en gaz à effet de serre (GES) sont mesurées directement depuis environ 50 ans. Pour s’abstraire des sources d’émissions urbaines ou industrielles, les relevés s’effectuent dans des zones isolées, comme le site de Mauna Loa sur l’île d’Hawaii. La variabilité des gaz à effet de serre au cours des siècles précédents est mesurée dans les bulles d’air des carottes de glace (Partie 2.1.2) (Jouzel, 2006Jouzel J., 2006 : Climat et atmosphère au Quaternaire : de nouveaux carottages glaciaires. C. R. Paleovol, 5, 45-55.).
Les modèles numériques du climat (Partie 6.2.1) qui incluent uniquement les forçages naturels se montrent incapables de reproduire le réchauffement existant depuis les années 1970 (IPCC, 2007aIPCC, 2007a : Climate Change 2007: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change. Cambridge University Press. 996 p.). En introduisant l’effet de serre anthropique additionnel dans les modélisations, les modèles reproduisent les températures observées. Le réchauffement moderne est effectivement attribué aux émissions anthropiques de GES (EnSavoirPlus 5.4). Les concentrations en GES depuis quelques décennies sont les plus élevées depuis 700 000 ans (Figure 2.5). Le forçage radiatif (Partie 1.2.3) de l’ensemble des GES était en 2005 de + 2,63 W.m-2 (Figure 5.9).
Le dioxyde de carbone (CO2)
La concentration en CO2 s’est élevée d’environ un tiers au cours des derniers 250 ans : elle s’est accrue de 280 ppm (parties par millions) en 1750 à 379 ppm en 2005, soit de 35 % (Figures 5.6, 5.7 et 5.9) (IPCC, 2007aIPCC, 2007a : Climate Change 2007: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change. Cambridge University Press. 996 p.). Cette hausse a entraîné un forçage radiatif de + 1,66 W.m-2. Entre 1995 et 2005, le taux atmosphérique a augmenté de 1,9 ppm par an ; c’est la hausse décennale la plus élevée depuis 200 ans (IPCC, 2007aIPCC, 2007a : Climate Change 2007: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change. Cambridge University Press. 996 p.). Les rejets de carbone par l’homme se sont accrus de 6,5 à 7,8 GtC.an-1 entre 1996 et 2005 (Figure 5.8). Les trois quarts des émissions de CO2 sont dues aux combustions d’hydrocarbures et à la production de ciment (EnSavoirPlus 5.4). Le quart restant est causé par les changements d’utilisation des sols, notamment par la déforestation.
Des méthodes permettent de confirmer que le CO2 résulte de la combustion de combustibles fossiles anthropiques (EnSavoirPlus 5.5). De plus, une combustion utilise du dioxygène (O2) et rejette du CO2 ; une diminution légère de l’O2 atmosphérique est effectivement observée actuellement en parallèle avec l’augmentation du CO2 (Figure 5.7) (IPCC, 2007aIPCC, 2007a : Climate Change 2007: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change. Cambridge University Press. 996 p.).
Le méthane
Le méthane (CH4) résulte de l’agriculture (rizières, terres inondées, combustion de biomasse et ruminants), de la distribution de gaz naturel et des décharges (IPCC, 2007aIPCC, 2007a : Climate Change 2007: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change. Cambridge University Press. 996 p.). La concentration en méthane en 2005 était de 1774 ppb (parties par milliard) ; cette valeur est sans précédent depuis au moins 650 000 ans (Figure 2.5). Elle représente un forçage radiatif de + 0,48 W.m-2 depuis 1750 (Figures 5.6 et 5.9).
L’oxyde nitreux
L’oxyde nitreux (N20) est émis par les engrais agricoles et par la combustion des carburants fossiles (IPCC, 2007aIPCC, 2007a : Climate Change 2007: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change. Cambridge University Press. 996 p.). Sa concentration dans l’atmosphère était en 2005 de 319 ppb, contribuant à un forçage radiatif de + 0,16 W.m-2 depuis 1750 (Figures 5.6 et 5.9).
Les gaz fluorés
Les chlorofluorocarbones (CFC) sont des gaz à effet de serre. Ils étaient utilisés comme fluides réfrigérants dans les réfrigérateurs ; ces gaz étant responsables de la diminution de la couche d’ozone stratosphérique, leur production et leur consommation a été réduite par le protocole de Montréal de 1987. Depuis 2003, la concentration atmosphérique de ces gaz et leur forçage sur le climat diminuent. Les gaz réglementés par le protocole de Montréal sont progressivement remplacés par d’autres gaz fluorés qui sont également à effet de serre : les hydrofluorocarbures (HFC), les hydrocarbures perfluorés (PFC) et l’hexafluorure de soufre (SF6). Les gaz fluorés entraînent un forçage radiatif positif de 0,32 W.m-2 (Figure 5.9).
L’ozone
L’ozone (O3) est formé dans la basse atmosphère (troposphère) à partir de polluants primaires comme le monoxyde de carbone (CO), les hydrocarbures et le N2O. Il entraîne un forçage radiatif de + 0,35 W.m-2 (Figure 5.9).
La couche d’ozone de la haute atmosphère (stratosphère) a diminué depuis 1750, à cause des rejets anthropiques de CFC. L’ozone stratosphérique conduit à un faible forçage radiatif, positif ou négatif suivant les modèles.
La vapeur d’eau
La vapeur d’eau de l’atmosphère (H2O) est le plus abondant et le plus important gaz à effet de serre naturel. Les activités humaines ne rejettent pas directement de vapeur d’eau. Les émissions de méthane sont cependant à l’origine d’un léger rejet. De plus, le réchauffement de l’atmosphère élève le taux de vapeur d’eau dans l’atmosphère (Partie 5.2.1).
Les émissions d’aérosols
Les aérosols sont de petites particules en suspension dans l’atmosphère. Les aérosols émis par les activités humaines sont variés : aérosols sulfatés provenant de la combustion des carburants fossiles, aérosols de poussière minérale d’origine agricole et industrielle, etc. Ils s’ajoutent aux émissions naturelles (volcanisme, embruns marins, etc.). Certains aérosols ont un effet réchauffant alors que d’autres ont un effet refroidissant ; l’effet général des aérosols anthropiques est un forçage radiatif négatif de – 0,5 W.m-2 (Figure 5.9) (IPCC, 2007aIPCC, 2007a : Climate Change 2007: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change. Cambridge University Press. 996 p.).
Les aérosols servent également de noyaux de condensation pour les gouttelettes formant les nuages (Carslaw et al, 2002Carslaw K.S., Harrison R.G., & Kirkby J., 2002 : Cosmic Rays, Clouds, and Climate. Science 29, 732.). En cas de pollution, le nombre de particules d’aérosols s’accroît, ce qui diminue la taille des gouttelettes du nuage. La surface de gouttelettes augmente et la radiation solaire est davantage reflétée. C’est l’effet de l’albédo dû aux nuages (« cloud albedo effect »).
Les changements d’utilisation des sols
Vers 1750, les cultures et pâturages recouvraient 6 à 7 % des surfaces continentales (7,9 à 9,2 millions de km2) (IPCC, 2007aIPCC, 2007a : Climate Change 2007: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change. Cambridge University Press. 996 p.). En 1990, ils représentent 35 à 39 % des terres (45,7 à 51,3 millions de km2). Au cours des derniers siècles, les changements d’utilisation des sols ont renforcé la réflexion de la lumière (albédo), ce qui a entraîné un effet refroidissant de – 0,2 W.m-2 (Figure 5.10).
Les changements d’affectation des terres ont aussi des incidences locales sur le climat. Les changements induits par les activités humaines à la surface des terres émergées (végétation, sols, eau) peuvent considérablement influer sur le climat local en modifiant le rayonnement, la nébulosité, la rugosité de surface et les températures superficielles. Ainsi, l’homme modifie la couverture végétale, par les changements de culture, la déforestation ou la reforestation à grande échelle.